Feuilles

   "Il est des nations où cohabitent le sacré avec le profane, la dévotion avec le blasphème, le bien avec le mal."

  Il est des contrées où l'ouverture livre bataille à la bigoterie, où des bonheurs bleus vivent à côté d'autres plus fades. Des contrées où la tolérance sourit à l'indifférence, la patience cadence les fureurs et les silences murmurent les mots du coeur.

  Il des des morts qui sommeillent dans un puits obscur et profond. Des morts qui soupirent encore dans l'attente d'une étincelle qui rallumera la  braise et redonnera foi.  

  Puis, il y a des amours sombres qui demeurent inassouvies.

  Non, ce n'est point l'eden. Le paradis est à l'image d'un repos sans fin, une quiétude éternelle. Ce n'est pas l'eden car malgré tout le plaisir qu'on y retrouve, malgré la délivrance qu'on éprouve, l'on demeure toujours insatisfait, à l'affût d'un meilleur toujours rêvé, jamais atteint. Alors, c'est un long acheminement pour tenter de rassembler les débris du miroir divin. Ce miroir "tombé de la main de Dieu et qui s'est brisé" disait le poète mystique. C'est un voyage  dans lequel on est à la fois l'explorateur et le guerrier. Tant de batailles à livrer, des joyaux à découvrir! Tant de miroirs à traverser, des désillusions à quitter, des rêves à tisser et à inventer!  Et s'il arrive qu'on perd les repères, que le regard devient hagard ou le paysage absurde. Si les couleurs deviennent trop fades, le souvenir si lointain, presque flou. Si l'on se sent écrasé sous le poids des voix intérieures, il suffira de revoir sa boussole. Et dans de pareils voyages, la boussole n'est autre que notre âme. Ce feu qu'on cherche souvent à éteindre car "douloureux", mais le seul qui "nous tient debout". C'est notre âme qui nous éclaire dans nos égarements, mais ne parle que dans le silence et le dénuement. Car, c'est en se brûlant de l'intérieur que scintille toute beauté. Car l'infime est dans la cendre. 

  Ainsi découlent les mots limpides qui disent le tout avec le peu.