De la vanité à la marche sereine - 03

Terre des lumières

  Entre les ombrages verts et la houle bleue, se laisse voir une cascade de lumière. On dirait une pluie scintillante de mille beautés. Nous voilà bordant les rivages du rêve. Humble et ému, le corps s'agenouille, les yeux se ferment et le cœur se lance dans les délices d'une prière. Prière de l'univers qui rejoint le chant céleste. Un rivage donnant sur une terre de rêve, de trêve, de paix lumineuse. Terre qui ne veut de la lumière que sa clarté, foulée par quelques rares remplis d'émerveillement et d'inquiétude. Ils veulent comprendre, apporter leur souffle, animés par un "sombre amour" pour cette entité qu'on nomme confusément "vérité". Entre ombre et lumière, ils offrent au monde des joyaux puisés des océans profonds ou des royaumes obscurs. Mais leur âme anxieuse les pousse des fois à perpétuer le détour orphique. Ainsi scintille leur beauté: en se brûlant de l'intérieur. Ainsi, leur dilemme enflamme les autres. Préférant l'errance à la simple existence, ils mènent leurs combats, jouissent des délices inaperçus. Leur nourriture est autre. 

  Depuis ces rivages, on tressaille d'une caresse du vent, d'un regard profond. L'âme émerveillée demande aux mains de s'ouvrir. Le cœur renfermé se refuse le droit d'y croire et d'obéir. 

  Ce n'est pas une terre de résidence mais de repos. On vient pour alléger l'âme et reposer l'oreille des récits des hommes. C'est la terre des bonheurs bleus qui se suffisent de peu mais exigent trop.

  La voilà l'éternelle fugace, rieuse dans sa majesté. Celle qu'on nomme confusément "liberté". 

  -"Ô liberté, ma quête existentielle, mon rêve éternel. Fantasque pour certains, capricieuse pour d'autres, es-tu évidence ou chimère? Tu ne cesses de tourmenter les esprits, de faire rêver. On te cherche dans l'immortalité, la piété, dans le verbe et dans le geste. Combien d'encres ont coulé pour t'apprivoiser! Combien de couleurs ont tenté de t'incarner! Espiègle que tu es, ô liberté, tu te glisses dans les formes les plus improbables: une prière sincère, un rire d'enfant, une caresse envoûtante. Là où il y avait le moindre soupçon de ta présence, j'y étais; Dans un mot, dans un livre, une danse, un silence. Dans l'aventure, la rébellion et même le recueillement. Multiples sont tes chemins, unique est mon dessein. Est-ce toi qui demeures insaisissable ou c'est mon âme qui est si insatiable?"

 - "Je ne suis ni entité ni idée. Je rime mal avec toujours. Certains croient qu'il faut tout sacrifier pour m'avoir. D'autres assurent qu'en renonçant à tout et ne s'accrochant à rien, on m'apprivoise. D'aucuns me barricadent les chemins par leurs définitions sur mesure. Je les laisse dire: cela calme leur conscience et adoucit leur sommeil. Mais tous ces bavardages qui portent mon nom ne sont qu'illusion.

  Mon prix est tout ce chemin parcouru, et pourtant je demeure fugace.Je me manifeste dans les distances et les silences. Et si on arrive réellement à faire tout ce trajet, à supporter tout ce mal, à accepter sa nudité. Si on ferme l’œil pour ouvrir son cœur, on saura alors qui je suis. Pareille à cette terre, je ne suis pas "permanence" mais momentanée. Enfant du vent, je lui ressemble dans sa danse et ses voyages. Je suis le premier souffle du ressuscité, les ailes qui vous permettent de voler. Selon les humeurs, on m'attribue différentes couleurs. Mais ma vraie couleur est le bleu."

  L'éternelle fugace s'en va, rieuse dans sa majesté. Une voix se fait entendre:

-Bonjour, je suis ton être.

-Ah! Mais vois-tu...tellement de temps s'est écoulé.

-Peu importe. On est si différent c'est sûr. Mais nous pouvons désormais faire trajet ensemble pour nous rendre au pré de la vie;